Les pratiques d’évaluation des formations en 2023

Dans cet article, nous partageons quelques éléments à la suite de la publication des résultats de notre étude sur les pratiques d’évaluation des formations en 2023 (dans le monde francophone), notamment commentés à l’occasion de l’épisode 14 de notre podcast.

Il s’agit ici d’éléments synthétiques : nous ne pouvons donc que vous encourager à écouter cet épisode ou à le regarder sur YouTube afin d’avoir en parallèle l’affichage du support correspondant.

Écoutez notre podcast afin de découvrir cette restitution commentée des résultats de l’étude

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Quelques informations méthodologiques

L’étude s’est faite en deux temps : une phase quantitative et une phase qualitative. Malgré le moment peu propice pour la collecte des réponses (fin d’année, période classique de recueil des besoins de formation et de préparation du plan), nous avons recueilli 68 réponses pour la phase quantitative, dont la moitié provenait d’entreprises de plus de 1 000 employés.

Les répondants étaient principalement basés en France, mais nous avons également reçu des réponses de la Suisse, de la Belgique, du Maroc et du Québec, soulignant l’ampleur du sujet au sein de la francophonie.

Nous avons constaté que la majorité des répondants travaillaient dans le domaine de la formation, et que leur intérêt pour l’évaluation se développait généralement avec l’expérience professionnelle.

Pour la phase qualitative, nous avons mené en complément des entretiens approfondis avec 9 entreprises afin de comprendre certaines pratiques d’évaluation plus avancées, notamment identifiées dans la phase quantitative.

Cette étude ne prétend pas à une certaine forme de représentativité statistique. Ses objectifs prioritaire restent avant tout de démocratiser les bonnes pratiques en matière d’évaluation et de permettre aux professionnels d’apprendre et de capitaliser sur ces connaissances pour améliorer leurs propres pratiques.

Objectifs attribués à l’évaluation des formations

Parmi les dix objectifs potentiels identifiés, trois se sont démarqués comme étant les plus importants pour les organisations.

Premièrement, l’objectif d’améliorer l’efficacité des formations présentes et à venir a été cité en premier lieu. Cette focalisation sur l’amélioration continue souligne l’importance de ne pas évaluer pour l’évaluation seule, mais plutôt dans le but de susciter des actions constructives et de progresser continuellement. Ensuite, le deuxième objectif principal était de montrer l’impact des formations sur les résultats de l’organisation, mettant en lumière la nécessité de démontrer clairement la valeur des programmes de formation. Enfin, le troisième objectif consistait à démontrer la valeur de la formation, ce qui est étroitement lié à l’objectif précédent de montrer l’impact sur les résultats organisationnels. Ces résultats soulignent une forte orientation vers la recherche de preuves tangibles de l’impact des formations sur les individus et sur l’organisation dans son ensemble, mettant en évidence les niveaux 3 et 4 du modèle Kirkpatrick.

Obstacles et freins à l’évaluation des formations

Trois obstacles ont été les plus fréquemment relevés.

Premièrement, le manque de temps est un défi omniprésent, avec des professionnels souvent surchargés de tâches et ayant du mal à trouver du temps pour se consacrer à l’évaluation des formations. Deuxièmement, le manque d’implication des managers constitue un obstacle majeur, car ces derniers ne sont pas toujours pleinement engagés dans le processus d’évaluation. Enfin, le troisième obstacle est le manque d’outils appropriés, soulignant le besoin d’outils spécifiques et adaptés pour faciliter la mise en œuvre d’évaluations efficaces. Bien que le marché propose une variété d’outils, de nombreuses personnes expriment ainsi des préoccupations concernant leur plateforme actuelle. Ces préoccupations vont au-delà de la simple question de connaissance des outils disponibles ; elles incluent des considérations budgétaires et des problèmes de sécurité des données. La mise en place d’une nouvelle plateforme est souvent difficile, et le processus de changement est encore plus complexe. Le défi réside donc non seulement dans le choix initial de la plateforme, mais aussi dans la difficulté à la changer une fois qu’elle est en place. Ces obstacles soulignent l’importance cruciale des outils d’évaluation dans le processus d’évaluation des formations.

Ces obstacles soulignent les défis pratiques auxquels sont confrontés les professionnels de la formation dans leur quête pour évaluer efficacement les programmes de formation.

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Résultats et meilleures pratiques par niveau

Les résultats de notre étude montrent une tendance à évaluer principalement les niveaux 1 et 2 (respectivement 87 % et 82 % des répondants les évaluent). En revanche, les niveaux 3 et 4 sont moins fréquemment évalués, avec seulement 57 % des répondants pour le niveau 3 et 31 % pour le niveau 4.

Ce constat met en lumière un paradoxe : bien que les objectifs d’évaluation se concentrent sur l’efficacité, l’impact et la valeur des formations (surtout aux niveaux 3 et 4), ce sont les niveaux 1 et 2 qui sont principalement évalués. Ainsi, il apparaît que les données les plus pertinentes pour répondre à ces objectifs sont souvent négligées, soulignant un décalage entre les priorités et les pratiques d’évaluation actuelles.

Aussi, bien que les chiffres puissent encore sembler optimistes pour les niveaux 3 et 4, il existe un biais qui les rend légèrement surestimés. En effet, une analyse plus approfondie révèle que les évaluations aux niveaux 3 et 4 ne correspondent pas toujours aux critères stricts définis par le modèle de Kirkpatrick. Par exemple, une évaluation de niveau 4 peut consister en une simple enquête déclarative auprès des apprenants, ce qui ne répond pas pleinement aux exigences d’un niveau 4 classique. Cette constatation souligne l’importance de ne pas se fier uniquement aux chiffres bruts, mais plutôt d’examiner attentivement la qualité et la nature des évaluations effectuées.

Si vous n’êtes pas familier(e) du modèle Kirkpatrick, il est conseillé de lire cet article au préalable.

Niveau 1 – Réaction

Plusieurs bonnes pratiques ont été relevées, telles que :

  • L’observation directe lors de la formation : l’observation par un observateur dédié permet de comprendre la réalité de la formation et d’évaluer l’engagement des apprenants. Cette méthode offre une perspective précieuse qui complète les retours des enquêtes standard.
  • L’utilisation d’un système de gestion d’évaluation (EMS – Evaluation Management System) : ils sont similaires aux LMS mais spécifiquement conçus pour l’évaluation. Un EMS permet de personnaliser les enquêtes, d’analyser les données facilement et de créer des rapports pour impliquer tous les acteurs de la formation. Cet outil est essentiel pour une évaluation approfondie et personnalisée.
  • L’utilisation de l’indicateur Net Promoter Score (NPS) pour évaluer la qualité des formations : le NPS est de plus en plus utilisé dans le domaine de la formation pour mesurer la satisfaction des apprenants et leur propension à recommander la formation à d’autres. Bien que critiqué, le NPS offre des informations précieuses sur la perception des apprenants à l’égard de la formation.
  • L’importance des retours qualitatifs : notamment à travers des entretiens, des tours de table et des échanges après la formation. Ces retours complètent les données quantitatives des enquêtes et offrent une compréhension plus approfondie des expériences des apprenants.
  • L’importance de recueillir les réactions des apprenants peu de temps après la formation : idéalement dans les 24 heures suivant la fin de la session. Cette approche permet d’obtenir des données plus fiables en évitant certains biais (par ex. liés à la fatigue ou à l’influence du formateur).
  • L’importance d’allouer davantage de ressources et de temps à l’évaluation de niveau 1 au début des dispositifs de formation : à ce stade, il est crucial de surveiller de près la réaction des apprenants pour ajuster la formation si nécessaire. Une fois que la formation est bien établie, moins de ressources sont nécessaires pour l’évaluation de niveau 1, car des ajustements mineurs peuvent être apportés en fonction des retours obtenus.

L’évaluation de niveau 1 joue un rôle essentiel dans l’amélioration continue des formations. En utilisant les bonnes pratiques et en tenant compte de certaines considérations temporelles, les professionnels de la formation peuvent obtenir des données précieuses pour optimiser l’expérience des apprenants et améliorer la qualité de leurs programmes de formation.

Niveau 2 – Apprentissage

Plusieurs bonnes pratiques ont aussi ici été relevées, comme :

  • L’importance des évaluations formatives pendant la formation : ces évaluations, qu’elles prennent la forme de mini-quiz ou de jeux pédagogiques, permettent de s’assurer que les apprenants comprennent le contenu au fur et à mesure de son apprentissage.
  • L’efficacité des jeux de rôle pendant la formation : ils offrent aux apprenants l’occasion de mettre en pratique leurs compétences dans des situations simulées. Filmer ces jeux de rôle et fournir un feedback constructif permet aux apprenants de mieux comprendre leurs performances et de s’améliorer de manière significative.
  • Le recours à des simulations/à la réalité virtuelle : une méthode particulièrement pertinente dans les domaines où les environnements de travail peuvent être dangereux ou coûteux à reproduire. Bien que cette méthode puisse être coûteuse, elle offre des avantages considérables en termes de sécurité et d’apprentissage.
  • La certification et la reconnaissance des compétences : la certification joue un rôle crucial dans la reconnaissance des compétences acquises par les apprenants. En France, par exemple, le compte personnel de formation (CPF) encourage la certification des formations pour permettre aux individus d’utiliser leur crédit de formation de manière efficace. De plus, les plateformes de certification émergent comme des outils précieux pour formaliser les compétences acquises lors des formations. Ces plateformes permettent la création de badges et de certifications internes, ce qui renforce l’engagement des apprenants et offre une reconnaissance officielle de leurs compétences.

En conclusion, l’évaluation de niveau 2 va au-delà de la simple mesure des connaissances acquises. En utilisant des méthodes telles que les évaluations formatives, les jeux de rôle et la certification, les professionnels de la formation peuvent garantir que les apprenants développent des compétences pratiques et obtenir une reconnaissance formelle de leurs réalisations.

Niveau 3 – Comportement

Les bonnes pratiques identifiées en priorité pour ce niveau sont :

  • L’enquête croisée en vue d’une co-évaluation : cette pratique courante permet de recueillir les avis à la fois des apprenants et de leurs managers. Cela permet d’avoir une perspective équilibrée et de renforcer l’effet d’encouragement et de motivation.
  • L’accompagnement post-formation : il est essentiel pour assurer le transfert des acquis de la formation vers le lieu de travail. Cela peut prendre différentes formes, telles que le coaching, l’accompagnement par des pairs ou des superviseurs, ainsi que l’utilisation de dispositifs comme l’action de formation en situation de travail (AFEST).
  • L’établissement d’un plan d’action : un plan d’action bien défini est nécessaire pour guider les apprenants dans la mise en pratique des compétences acquises. Il doit être spécifique, mesurable et inclure des comportements concrets à mettre en œuvre dans le contexte professionnel de chaque apprenant.
  • L’ancrage mémoriel et comportemental : il est crucial de favoriser à la fois l’ancrage mémoriel, par le biais de quiz et de rappels réguliers, et l’ancrage comportemental, en développant des habitudes et des routines qui favorisent la mise en pratique des compétences acquises.
  • La fourniture de ressources post-formation : pour soutenir le passage à l’action, il est recommandé de fournir aux apprenants des ressources telles que des aides-mémoires, des checklists et des modules de learning complémentaires. Ces ressources facilitent l’ancrage mémoriel et comportemental et maintiennent l’engagement des apprenants après la formation.

En conclusion, l’évaluation de niveau 3 est essentielle pour mesurer l’impact réel des formations sur les comportements des apprenants et leur performance en situation de travail. En mettant en œuvre des pratiques telles que l’accompagnement post-formation et la fourniture de ressources adaptées, les organisations peuvent maximiser les bénéfices de leurs programmes de formation.

Niveau 4 – Résultats

Parmi les meilleures pratiques identifiées figurent celles-ci :

  • La détermination d’indicateurs de performance clés (KPIs – Key Performance Indicators) : ces indicateurs doivent être empruntés aux données existantes de l’organisation et utilisés pour évaluer l’efficacité de la formation avant et après sa mise en œuvre.
  • La réalisation d’études d’impact : en complément des KPIs, il est recommandé de mener des études d’impact qualitatives, telles que la méthode des cas à succès de Robert Brinkerhoff. Ces études permettent d’identifier les facteurs de succès et les obstacles à la mise en pratique des compétences acquises en formation.
  • L’utilisation des outils de Business Intelligence (BI) : ils jouent un rôle essentiel dans l’analyse des données et la communication des résultats de formation. Il est important d’avoir des analystes des données (Data Analysts) qualifiés pour connecter les systèmes d’information de l’entreprise, analyser les données et produire des rapports visuels permettant de suivre l’évolution des indicateurs de performance.
  • Le suivi de plans d’action : ces plans d’action, déjà évoqués au niveau 3, sont utiles pour s’assurer que les comportements et les actions mis en œuvre au niveau 3 conduisent aux résultats attendus au niveau 4. Les plans d’action doivent être alignés sur les objectifs organisationnels et évalués régulièrement pour ajuster les actions si nécessaire.
  • La présentation des résultats aux commanditaires : il est essentiel de présenter les résultats de l’évaluation aux commanditaires de la formation, notamment la direction générale et opérationnelle. Cette présentation doit être préparée avec soin et utilisée comme une occasion de démontrer l’impact positif de la formation sur les objectifs de l’organisation.

Cette dernière pratique est à intégrer dans une démarche plus large de marketing de la formation. En effet, la communication des résultats de la formation peut également servir à promouvoir le savoir-faire du service formation au sein de l’organisation. Il est important de capitaliser sur ces succès pour renforcer la crédibilité et l’impact du service formation.

En conclusion, l’évaluation de niveau 4 permet de mesurer l’impact réel des formations sur les objectifs organisationnels et de communiquer efficacement ces résultats aux parties prenantes. En utilisant les bonnes pratiques d’évaluation et de communication, les organisations peuvent maximiser les bénéfices de leurs investissements en formation.

Comment accompagner le changement pour faire évoluer son système d’évaluation des formations ?

Le changement en matière d’évaluation de la formation est un défi culturel et organisationnel qui demande du temps et des efforts pour être pleinement intégré. Voici quelques points clés à considérer :

  • L’évolution graduelle : l’évolution vers de nouveaux systèmes d’évaluation ne se fait pas du jour au lendemain. Il est essentiel d’adopter une approche progressive, en mettant en place des pilotes et en testant les nouvelles méthodes avant de les généraliser.
  • L’utilisation d’outils : pour pallier le manque d’outils, il existe des solutions tant internes qu’externes. Les outils externes spécialisés peuvent être une option, mais l’utilisation des outils internes, tels que Microsoft Forms et Power BI, peut également être efficace avec une bonne industrialisation.
  • Le changement culturel : il est au cœur du processus d’évaluation de la formation. Il est important de sensibiliser et d’impliquer les différentes parties prenantes, y compris les commanditaires, les managers et les autres acteurs clés, pour garantir le succès du projet.
  • La communication avec les commanditaires : il est crucial de parler le même langage que les commanditaires en mettant l’accent sur la stratégie, la performance et les objectifs commerciaux lors des échanges. La communication régulière et la présentation des résultats sont également essentielles pour maintenir leur engagement.
  • L’accompagnement des formateurs : ils doivent également être formés et outillés pour mener des évaluations efficaces. Ils ne doivent pas voir l’évaluation comme un acte de jugement, mais plutôt comme un moyen d’améliorer l’efficacité de la formation.
  • L’engagement des managers : les managers jouent un rôle crucial dans le succès de la formation. Des protocoles comme le “505” peuvent être utilisés pour garantir leur implication avant, pendant et après la formation. Il est également important d’évaluer comment les managers sont évalués, promus et rémunérés pour leur rôle dans le développement des compétences de leurs équipes.
  • Le focus sur les apprenants : il est également essentiel de se concentrer sur les besoins et les progrès des apprenants. Dans certains cas, une approche axée uniquement sur les apprenants peut être nécessaire pour garantir l’efficacité de la formation. Il est essentiel d’expliquer aux apprenants pourquoi l’évaluation est importante et comment elle contribue à leur succès dans la formation.
  • La professionnalisation des équipes de formation : notamment par le biais du programme de certification Kirkpatrick qui peut favoriser un langage commun et un changement de paradigme dans l’organisation quant à la manière de gérer la formation. On observe que les sessions intraentreprises produisent de bien meilleurs résultats car, en adoptant une approche collective et coordonnée, on opère un changement de mentalité clair, engendrant des efforts pour surmonter la résistance au changement.

En conclusion, l’accompagnement du changement dans l’évaluation de la formation nécessite une approche holistique, impliquant l’ensemble des parties prenantes et en adoptant une démarche progressive pour garantir le succès à long terme.

Auteur : Jonathan Pottiez

Jonathan Pottiez est expert en management de la formation et, notamment, en évaluation de la formation professionnelle. Il bénéficie d’une expérience professionnelle de 18 ans dans le monde de la formation, qu’il a pu acquérir dans des environnements variés (start-up, cabinet conseil, etc.) en tant que consultant, formateur, directeur produit et innovation ou encore responsable formation.

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Auteur : Joss Frimond

Joss Frimond est tombé dans le bain de la formation professionnelle en 2000, et il n’a jamais réussi à s’en sortir.

Ayant démarré sa carrière dans un organisme de formation en langues, il a créé le cabinet Linguaid en 2006 afin d’accompagner tous les acteurs du marché de la formation professionnelle.

De nationalité franco-britannique, marié avec 3 enfants, fanatique de golf, Joss utilise sa créativité pour innover de façon incessante dans un marché en pleine évolution.

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